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Le roi Mathias Ier - Association Korczak (AFJK)

Le Parlement des enfants
de l’École du « Roi Mathias »

Il existe aux Pays-bas une charmante école primaire qui est dédiée depuis longtemps au souvenir du petit héros de Janusz Korczak. Invitée à un colloque organisé par l'Association Korczak, sa directrice a décrit en quoi cette école était différente et comment les élèves participaient activement, pour leur plus grand bonheur, à son bon fonctionnement.

 

« Donne aux enfants le droit à l’autonomie »
a écrit Janusz Korczak.

Le Parlement de l’orphelinat de la rue Krochmalna, à Varsovie a été un exemple de la façon dont il a mis ses idées en pratique. Depuis déjà quelques années, l’école primaire « Matthijsje » de Noordwolde a son Parlement. Y est-il aussi question d’autonomie ? Par cette conférence, je me propose de vous dire les aléas de ce Parlement des enfants. Tout d’abord à l’aide de quelques diapositives.

L’école primaire « Matthijsje » doit son nom au livre pour enfants de Janusz Korczak Le Roi Mathias 1er.

Nous nous reconnaissons beaucoup en Janusz Korczak. Depuis la fondation de l’école, son travail et ses idées pédagogiques ont été une grande source d’inspiration. Notre vie quotidienne se déroule, tout comme pour lui, à l’écoute des enfants. Nous y sommes très attentifs. Nous nous plaçons en observateurs ; si le besoin s’en fait sentir, nous sommes prêts à apporter quelques changements dans l’organisation de l’école.

L’école est établie dans un petit village du nord des Pays-Bas. L’environnement champêtre convient particulièrement aux jeux d’extérieur et donne la possibilité de découvrir la nature.

Elle compte environ 60 élèves de 4 à 12 ans. Chaque instituteur travaille avec 15 élèves, condition importante pour notre forme d’éducation. Cependant, le gouvernement ne paie qu’un instituteur pour 30 élèves, ce qui veut dire que nous partageons notre salaire. L’équipe qui travaille chez nous le fait par amour de l’école. L’école est leur vie. Nous sommes convaincus qu’à condition que les vœux, les pensées, les sentiments de joie et de peine des enfants soient pris au sérieux, ils peuvent s’épanouir au mieux. Le développement cognitif n’est pas notre objectif principal. Nous souhaitons que les enfants puissent se développer harmonieusement et que, devenus adultes, ils prennent leurs responsabilités, aussi bien pour eux que pour le monde qui les entoure.

La journée scolaire commence à huit heures et demie et se termine à quinze heures. À midi, tout le monde mange ensemble. Dans l’école, il y a un living où les enfants ont la possibilité de faire des jeux pendant les pauses ou simplement de se retirer à leur gré. Un enfant qui aurait besoin de parler peut m’y trouver ; j’y suis disponible tous les jours pendant les heures scolaires. Les parents peuvent éventuellement y entrer.

Janusz Korczak avait également ce genre de dispositions. Le travail prend dans notre école, tout autant d’importance que dans l’orphelinat de Korczak : les enfants doivent faire la vaisselle, faire le ménage, préparer le thé pour les demi-pensionnaires, nourrir les animaux, travailler le jardin…

Il y a des boutiques où les élèves vendent des objets faits à la main, un magasin d’objets trouvés. Ils éditent un journal. Toutes choses qui existaient également dans l’orphelinat de Janusz Korczak.

Et malgré tout, nous ne sommes qu’une école primaire qui doit répondre aux exigences d’enseignement fixées par le gouvernement. Or, dans les examens nationaux de fin de cycle, nos élèves obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne et ceci justement dans les matières obligatoires. Ce qui nous motive peut-être le plus est de voir avec quel plaisir et quel enthousiasme les enfants viennent à l’école. Un de nos élèves nous disait récemment : « Je n’aime pas être malade ou être en vacances ; l’école me manque trop. »

 

Vivre avec les enfants

Janusz Korczak a toujours été à la recherche d’un monde juste pour les enfants. Il n’était jamais satisfait. Il se demandait constamment s’il agissait bien, s’il fallait prendre d’autres dispositions pour résoudre les querelles, pour prévenir les vols. On retrouve ces soucis dans ses écrits où il traite de l’enfant agressif, des plaintes des enfants. Il disait « Personne ne peut vrai­ment connaître un enfant s’il ne prend ses plaintes au sérieux. Plaintes, requêtes et questions sont les clés de l’âme enfantine. »

Dans notre école, les enfants peuvent s’exprimer sur tous les sujets qui leur tiennent à cœur. Cela n’arrive pas toujours au bon moment, mais l’important est la réaction de l’enseignant. Le respect de l’enfant est essentiel ; il peut donc s’exprimer s’il a des plaintes à formuler concernant l’éducateur. Un enfant me disait il y a peu : « Es-tu malade, Neeltje ? Je te trouve un peu hargneuse. Je crois que tu ferais mieux de rester un jour chez toi ; tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux et tu seras à nouveau très agréable. » Les adultes ont très souvent du mal à accepter les idées des enfants. Peut-on alors parler de « respect de l’enfant ? »

Korczak donnait toujours l’impression d’être anxieux, inquiet. Il voyait toujours quelque chose qui n’allait pas, ce qui est bien normal dans une communauté d’enfants. Parce que chaque enfant est unique, parce que chacun a sa propre histoire, ses propres obstacles à son développement, il se posait toujours la même question : « Comment atteindre tous les enfants ? »

 

Le Parlement de l’école à l’Oosterstreek

Une de nos salles de classe est utilisée comme salle de vote par la communauté dans laquelle se trouve notre école. Il y a quelques années, pendant les semaines précédant les élections, nous avons joué, avec les élèves des classes supérieures, à la campagne électorale.

Ensuite, nous avons décidé avec les enfants de faire quelque chose. Nous avons imposé un Parlement analogue à celui de Korczak. Ce n’était pas une affaire simple de trouver une forme pour ce Parlement. Quelle autorité aurait-il ? De quels sujets traiterait-il ? À quel moment auraient lieu les réunions ? Avec la participation de quel adulte ? Qui, que, quoi ?

Au bout de trois ans, le Parlement a failli disparaître. À la rentrée d’août 1996, nous avons tenté un nouveau démarrage. Plusieurs enfants avaient quitté l’école. Avec les quatre qui restaient et trois autres que nous avons choisis il a fallu rebâtir un Parlement. Un des membres de l’équipe, moi en l’occurrence, a été nommé accompagnateur du Parlement. C’est une chose très importante que dans l’organisation de l’école soit prévu du temps pour l’adulte qui accompagne le Parlement. L’équipe a pris conscience que c’était une condition indispensable pour faire un nouvel essai.

Est-ce que le Parlement peut être le porte-parole des enfants ? Sont-ils contents de leur école, de son organisation, des travaux ?

La toute première tâche du nouveau Parlement a concerné les statuts et les règlements concernant son fonctionnement. L’année dernière, ces résolutions ont été modifiées par la pratique.

Maintenant, après une année scolaire, il se présente ainsi.

Chaque vendredi, de midi à midi et demie, les sept membres du Parlement déjeunent avec moi et se réunissent. En tant que membre de l’équipe, je ne suis pas membre du Parlement ; je n’ai pas le droit de vote. Je suis là pour aider et conseiller la réunion. Elle est secrète et se tient dans le living de l’école. Chaque mois un des enfants est nommé président. Pendant toute l’année deux enfants sont les secrétaires. Ils écrivent le rapport qui sera affiché au tableau de communication dans l’entrée de l’école. De plus, ils font un rapport pour le journal qui est édité toutes les trois semaines.

Les résolutions sont prises à la majorité des voix. Une fois élu, on prend place dans le Parlement pour une année entière. Deux fois par an, en septembre et en janvier, il y a des élections afin que le Parlement garde toujours trois ou quatre « vieux » membres, pour en assurer la continuité.

Le lundi matin, dans toutes les classes, les membres du Parlement font leur rapport de la réunion. Pendant ces discussions de classe, les élèves peuvent réagir, faire des commentaires ou demander des explications. Il est également demandé s’il y a de nouveaux points à discuter au Parlement. Ils peuvent aussi être déposés auprès des membres. Les membres de l’équipe et les parents ont également le droit de présenter des questions pour la réunion. Cinq fois par an, le Parlement délibère avec l’équipe entière.

 

Quelques exemples pratiques

Participer à une réunion n’est pas rien. Une demi-heure, c’est très court et ce n’est qu’après quelques réunions que le président est efficace. Des sujets figurant à l’ordre du jour peuvent être d’importance différente. L’écriture des rapports prend beaucoup de temps et ne peut se faire pendant les heures de classe. Parfois on trouve une bonne solution, parfois pas. Des exemples

Dans l’autobus de ramassage, il y a souvent de petits conflits bien qu’il y ait toujours un des parents. Cela ne va pas. Après en avoir délibéré avec l’équipe, le Parlement décide qu’outre le parent, qui change, il doit y avoir un habitué dans le bus. La décision est exécutée.

 

Les pouvoirs du Parlement

L’été dernier, j’ai interrogé séparément quatre membres du Parlement. Je leur ai posé huit questions. Tous sont convaincus qu’il est très important d’avoir un Parlement :

Les élèves ont ressenti comme une injustice que l’équipe ne se soit pas entendue avec le Parlement et qu’elle garde l’autorité. Il faut donc que l’équipe réfléchisse sur ce point. Des reproches sont adressés à l’équipe. À la suite de réunions, l’équipe se charge de devoirs : points à réfléchir, décisions à prendre… et elle oublie de répondre ! Par exemple, les enfants voudraient bien avoir plus d’animaux à l’école (hors les poules, les chèvres et les lapins). L’équipe ne répond pas ; pourtant c’était promis…

Les résolutions importantes de l’année dernière :
Conseils aux nouveaux membres du Parlement :

Les membres de l’ancien Parlement ont adressé le serment suivant aux nouveaux membres : « Je promets solennellement que je serai toujours honnête et que je ne me laisserai pas manipuler par autrui. »

Nelianne de Boo, 13 décembre 1997,
Traduit du néerlandais par Frédérique Beuzon (AFJK).
Communication à la Journée d’études « Paulo Freire/Janusz Korczak »
co-organisée par le Laboratoire d’analyse Institutionnelle de l’Université Paris 8 Saint-Denis et l’Association Française Janusz Korczak (AFJK).

Publication : in Actes de la journée Paulo Freire/Janusz Korczak 13/12/1997,
Les Cahiers de l’implication, revue d’analyse institutionnelle, Hors-série n° 1,
Laboratoire de Recherches en Analyse Institutionnelle, Sciences de l’éducation,
Université Paris 8, 1998, pp. 27-30.
coordonné par Raymond Fonvieille (1924-2000).
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Remarque de Raymond Fonvieille

Alors que dans l’orphelinat de Korczak les enfants allaient à l’école à l’extérieur et que le Parlement ne gérait donc que la vie communautaire quotidienne, ici, où les enfants sont externes, cette vie communautaire est relativement réduite et n’est animée que par des activités annexes. Le domaine purement scolaire des apprentissages serait bien celui où pourraient s’exercer les propositions et les initiatives des enfants. Or, il est totalement exclu des prérogatives du Parlement qui parvient tout juste à soustraire des cours, pour quelques minutes, ceux qui vont nourrir les animaux.

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roi-mathias.fr | macius.fr © Ass. Frse J. Korczak (AFJK), Paris 2004
(1998, révisée le : 30/06/04)